Abidjan est réputée pour être la capitale mondiale du malparlage et de la répartie parfois déplacée. Est-ce vrai ? Les ivoiriens parlent-ils si mal que ça ? C’est une question qu’il n’est pas inutile de se poser. J’essaie d’y répondre dans cet article.

“Ainsi, le malparlage est l’art de parler mal, de répondre par la meilleure invective, quitte à être grossier ou vulgaire, afin d’avoir le maximum de réaction (like, d’autres commentaires) sur les réseaux sociaux”

Leclubdelaraison.mondoblog.org

Les réseaux sociaux, c’est pas la vraie vie

Comme l’a indiqué la définition du malparlage, c’est une pratique qui s’est répandue sur la toile. Elle a d’ailleurs été popularisée par les nombreux ivoiriens de la diaspora, qui animent des pages à coup de lives sur des sujets divers et variés. Ces lives sont le théâtre d’affrontements verbaux en tout genre et d’échanges où le non respect de la courtoisie est l’une des principales règles. Ces lives étant largement diffusés et partagés, ils ont contribué à l’ancrage dans l’opinion que les ivoiriens « parlent mal ».

S’il est vrai que les réseaux sociaux révèlent certaines facettes de notre société, il faut dire que les réseaux sociaux ne sont pas la réalité. Le visage que beaucoup affichent sur les réseaux sociaux est difficilement répliqué dans le quotidien. La course aux likes, au succès et à la popularité pousse beaucoup à s’adonner au malparlage virtuel. Dans leur quotidien, j’imagine qu’il leur est beaucoup plus difficile d’autant mal parler, à moins de provoquer des bagarres et des émeutes à chaque coin de rue.

Au delà de cette réputation, je vous propose de vous intéresser aux spécificités linguistiques ivoiriennes. En fait, ce qu’on considère parfois pour du malparlage est tout simplement une habitude linguistique classique.

Ça ne parle pas mal, ça parle « ivoirien »

On peut avoir l’impression que ça parle mal, alors que ça ne fait que parler « ivoirien ». La pratique ivoirienne de la langue française regorge de particularités et de singularités. Il y a énormément de tournures et de détournements. Ce qui clairement complique la compréhension de ceux qui ne sont pas ivoiriens ou qui n’ont pas l’habitude de ce langage. La compréhension est donc remise en cause, si bien qu’on pense qu’il s’agit de propos déplacés ou injurieux.

On peut se sentir agressé quand on nous dit qu’on va nous casser le cou. Pourtant, c’est une expression qui signifie que vous êtes sous la menace d’une rupture amoureuse. Tout comme quand on vous accuse d’être « souayé ». On peut s’imaginer tout ce qu’on veut, mais en réalité c’est juste pour signifier le manque de délicatesse ou l’indiscrétion du concerné. « Je vais te montrer qui a mis l’eau dans coco ». Cette expression courante en Côte d’Ivoire est l’équivalent de « montrer de quel bois je me chauffe ». Et il y en a énormément d’autres. Pour moi, ou du moins de ce que j’ai constaté, il ne suffit pas d’entendre ces expressions pour conclure que le malparlage est ivoirien. En fait, on pense qu’il est ivoirien, parce qu’on ne comprend pas forcément tous les mots et les expressions utilisées.

Ce qui renforce encore plus cette impression, c’est l’accent avec lequel beaucoup d’ivoiriens s’expriment.

Quand l’accent accentue l’impression de malparlage

L’accent ivoirien est unique. On sait qu’il suffit d’aller d’un pays à un autre en Afrique francophone pour entendre des tonalités différentes du français. Mais, celui de la Côte d’Ivoire est unique et repérable rien qu’aux premiers mots. Cet accent est tellement répandu culturellement, dans l’humour, le cinéma ou dans la musique. Et l’impression de malparlage constant a été énormément popularisé par ces biais culturels qui ont renforcé cette opinion. Beaucoup continuent de se dire que tous les ivoiriens veulent « engager » leur interlocuteur quand il y a désaccord, après avoir vu Gohou.

Conclusion : pour moi le malparlage n’est pas vraiment ivoirien. On parle tous mal, en fonction des circonstances et du contexte. Chez les ivoiriens, je dirai que cette impression de malparlage généralisé est née de plusieurs facteurs. Les réseaux sociaux sont les plus importants, puisqu’ils amplifient le malparlage et ses disciples en quête de likes. Aussi, il faut dire que beaucoup ne comprennent pas bon nombre d’expressions typiquement ivoiriennes. Si bien qu’ils décrètent une présomption de malparlage sur tout ce qu’ils ne comprennent pas. En y ajoutant l’unique accent ivoirien, on pourrait se laisser aller à l’idée que le malparlage a un passeport ivoirien. Pourtant, il n’en est rien.

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