S’il y a un fléau qui mine la jeunesse béninoise, c’est bien la cybercriminalité. Une véritable gangraine, au point où les jeunes qui s’essaient aux opportunités qu’offre le numérique sont confondus aux cybercriminels et arnaqueurs. Certains diront que c’est la place de plus en plus grande du numérique dans notre cité qui encourage la propagation du fléau. D’autres diront qu’être voisin immédiat du Nigéria n’a pas que des avantages. Mais quelles que soient les raisons qui justifient la cybercriminalité au Bénin, il est selon moi important de ne pas demander à la loi de rester silencieuse. Encore moins d’adoucir la répression du fléau, surtout dans la belle dynamique en matière de cybersécurité du Bénin ces dernières années. J’explique ici pourquoi force doit rester à la loi.
Pourquoi la cybercriminalité est-elle si dûrement réprimée ?
L’argument le plus répandu auprès des défenseurs des cybercriminels est que leur peine est trop lourde. Cinq à dix années d’emprisonnement. Certains pensent que c’est énorme « juste » pour avoir cyberarnaqué. Par contre, il faut bien se rendre compte que la cybercriminalité n’est pas un crime comme les autres. Le droit béninois considère la cybercriminalité comme un acte de terrorisme. Que vous ayez fait des études de droit ou pas, vous vous dites certainement en lisant « acte de terrorisme », il doit s’agir d’un acte grave, même très grave. Et c’est ainsi que le code pénal en son article 162 qualifie la cybercriminalité. L’article 166 du même code précise que les actes de terrorismes sont punis « de la réclusion criminelle à perpétuité »
On comprend donc que dans l’échelle des infractions, une infraction qualifiée d’acte de terrorisme soit sévèrement réprimée. Encore faut-il préciser que les condamnations ne sont pas la perpétuité, mais des peines beaucoup moins sévères, quand on sait ce qu’ils encourent, si on tient compte de la constitution en acte de terrorisme. La justice n’est de ce fait pas trop sévère, mais plutôt douce au regard de ce qui devrait être le sort initial.
La posture de ceux qui s’érigent en défenseurs de cette cause est un peu incompréhensible. Ceci, pour plusieurs raisons qui ne relèvent même pas du droit, mais juste du bon sens.
Clémence pour les cybercriminels, et les victimes dans tout ça ?
En demandant que les cybercriminels soient exempts de lourdes peines, on demande à protéger leurs familles qui seraient laissées à leur sort. Ces cybercriminels seraient les principaux pourvoyeurs des besoins de leurs familles. Les sanctionner reviendrait à fermer le robinet à leurs familles respectives. Les questions que j’ai envie de poser sont les suivantes. Et les familles arnaquées ? Et ceux qui n’arrivent plus à joindre les deux bouts et qui se retrouvent à la rue, parce que victimes de l’appât du gain facile de certains jeunes obnubilés par l’exubérance ? N’ont-ils pas le droit à ce qu’on pense à eux ? À la réparation des torts qu’ils ont subis et à la protection de la société de la récidive de ces criminels ?
Les réponses à ces questions sont évidentes et ne nécessitent pas beaucoup de réflexion. Ce qu’on oublie beaucoup trop vite, c’est qu’il s’agit d’un risque auquel nous sommes tous exposés en tant qu’utilisateur du web. A tout moment, nous pouvons devenir victimes de ceux pour qui nous avons demandé la clémence aujourd’hui. Ce qui motive encore beaucoup à demander l’amnistie et un adoucissement de la chasse judiciaire aux cybercriminels est selon moi de deux ordres. Soit, il y a une ignorance des conséquences et des problématiques posées par la cybercriminalité. Soit, il y a un profit direct ou indirect qui est tiré de la poursuite de telles activités. On sait combien ce milieu influence et nourrit la musique et les artistes. Donc, aucune surprise que ces derniers s’érigent en premiers défenseurs de ceux qui financent leurs soirées en club, en bar et dans les boîtes.
Mais le principal problème posé par l’absence de répression d’un phénomène du genre reste le risque de plus en plus grand pour l’avenir.
L’absence de répression, un visa pour un avenir hyper risqué
Sur l’échelle des valeurs, il n’y a pas de pitié ou de sous-valeurs. J’ai entendu dire qu’une telle sévérité devrait exister uniquement pour certaines infractions, et pas pour les cybercriminels. Ce qui est intéressant, c’est que cette classification est déjà fixée par la loi. Peu importe l’infraction, je pense que la valeur à défendre ne peut être l’absence de sanction ou la prise à légère de l’infraction en elle-même. La cybercriminalité remet en cause plusieurs valeurs. L’honnêteté, le travail, l’empathie et bien d’autres sont remises en cause par ce phénomène. Décider de sanctionner moins sévèrement ce fléau serait un passe-droit pour piétiner toutes ses valeurs, qui sont un socle solide pour notre société.
L’autre problème est qu’en étant moins sévère, il pourrait y avoir une défiance envers l’autorité publique. De plus en plus de jeunes banaliseront le fait de s’investir dans une activité cybercriminelle. Et de plus en plus de victimes seront enregistrées. Et de plus en plus de dégâts seront faits, au profit d’un groupe minuscule qui s’enrichirait sur la misère des autres. Mais comme ça profite aux artistes et aux gens du showbizz aujourd’hui, il faut que ça continue ? Pour notre avenir à nous tous, je pense que non. Mais, pour l’avenir de ces criminels, il ne faut pas que la solution se résume à la répression.
La répression, une solution qui ne résout pas tout
Malheureusement, la répression est une manière de réparer le tort causé aux victimes. Mais quant à ces cybercriminels, ils restent des problèmes à résoudre. Selon moi, la solution est avant tout éducative. Il faut arriver à inculquer des valeurs immuables et à faire comprendre que la recherche du gain facile ne profite à personne. Si ce socle de valeurs est ancré dans la jeunesse, il y aura de moins en moins qui penseront à se livrer à de pareilles activités. Mais ceci ne sera pas le seul moyen d’y arriver.
Il faut ajouter qu’un véritable travail doit être fait pour occuper la jeunesse avec des activités saines et lucratives. Il faut donc trouver des mécanismes d’emploi et d’encouragement d’initiatives portées par des jeunes qui ont du sens et qui ont de l’impact. Aussi, il faut pouvoir démystifier le fait que la jeunesse et l’incompétence vont de pair. De nombreux talents finissent par intégrer des filières de cybercriminels, parce que les mécanismes d’emploi classiques refusent de leur faire confiance en raison de leur jeune âge.
On voit que la solution va d’ailleurs au-delà de la répression de la cybercriminalité. Mais, on ne peut en finir sans intégrer une répression sévère et impitoyable. Ainsi, on pourra conserver l’espoir d’un avenir sécurisé sur les cyberespaces dans notre pays. C’est pour cela que face à la cybercriminalité, force doit rester à la loi.