Les images de Kylian Mbappé, l’attaquant-vedette du PSG et de Christophe Galtier, l’entraineur du PSG tournent en boucle depuis quelques heures. Ce n’est pas sur le terrain qu’ils ont fait parler d’eux, mais bien en dehors. Non, ils n’étaient pas en boîte de nuit, ou en excès de vitesse sur une autoroute… comme on peut l’entendre fréquemment dans le monde du football. Qu’ont-ils bien pu faire pour susciter mon intérêt, au point où je leur consacre un billet vert ? En conférence de presse d’avant-match, les deux concernés se sont moqués d’une question soulevée par un journaliste à propos d’un déplacement en avion à l’occasion d’un match de football. Le rappel des faits et du contexte est important pour comprendre toute l’affaire.
Des moqueries dans un contexte crispé et crispant sur l’écologie
Ces dernières semaines, en France, fait rage le débat autour de la sobriété énergétique instaurée par le gouvernement (en réponse aux coupures du gaz russe). Cette mesure consiste en la réduction de la consommation énergétique, notamment par des petits gestes dans le quotidien des citoyens et des entreprises. Il y a tout un débat autour des gestes qui peuvent être utiles ou non… L’un des gestes les plus débattus est l’usage des avions et des jets privés. C’est dans ce contexte que le Paris-Saint-Germain s’est déplacé de Paris vers Nantes ( 384,9 km) et de Nantes vers Paris pour une rencontre à l’extérieur. Ce déplacement a donc fait beaucoup parler, à commencer par le directeur de SNCF Voyages.
Une offre qui fait clairement rire Christophe Galtier et Kylian Mbappé, qui ne pense « rien » des jets privés. Sincèrement, j’avoue avoir été surpris légèrement surpris par la réponse de Christophe Galtier, dont j’appréciais beaucoup la manière de communiquer. Et qui avait été d’une lucidité sur certains sujets comme les débordements de ses supporters quand il était entraîneur de Nice notamment. Mais bon, peut-être que les zéros sur la fiche de paie ont détendu le Monsieur.
Les déplacements des équipes de football, un vieux problème
On a beaucoup parlé du PSG. Mais cela n’empêche pas de se poser la question pour les autres. Encore plus quand on sait qu’il y a des championnats européens tous les weekends et des matchs en semaine, où les équipes se déplacent en avion. En France, quasiment toutes les équipes de Ligue 1 qui se déplacent le font en avion. Sur l’ensemble des matchs de la saison 2019-2020 de Ligue 1 et de Ligue 2, 65 % des trajets ont été effectués en avion, 31 % en bus et seulement 4 % en train. C’est ce qui ressort d’une enquête de la LFP. Et c’est pareil un peu partout en Europe.
Précisions que le problème se pose moins souvent sur d’autres continents, notamment en Afrique. Les championnats locaux ne sont pas encore à un niveau de professionnalisation, permettant aux équipes de financer les déplacements en avion de leurs équipes pour des matchs de championnat. De toute façon, même s’ils en avaient les moyens, il n’y a généralement pas suffisamment d’aéroports pour qu’ils se permettent ce luxe. Pour la plupart en Afrique, les déplacements des équipes sportives se font donc en bus pour les championnats nationaux.
La question de l’empreinte carbone des équipes européennes de football n’est donc pas une nouveauté. Elle ressortira de l’actualité comme elle y est entrée. Mais avant, il n’est pas inutile de s’intéresser à la responsabilité des entreprises, en général, sportives en particulier dans la crise climatique.
La question de la responsabilité des entreprises dans la crise climatique
Les entreprises constituent les plus grandes sources de pollution. Par exemple, les 100 plus grandes entreprises produisent à elles seules plus de 71% des émissions mondiales de carbone (selon un rapport de l’ONG Carbon Disclosure Project (CDP) depuis 1988). C’est un indice encore plus grand de la place de ces dernières et de leur responsabilité dans la crise qu’on vit.
Pour les entreprises sportives, les plus grandes en tout cas, les arguments généralement mis en avant pour justifier ces déplacements peu respectueux de l’environnement sont entre autre le temps de récupération des sportifs, la sécurité et les calendriers serrés. Mais, en y regardant de très peu, ce sont elles-mêmes qui s’imposent ces conditions défavorables, avec le sponsoring des fédérations sportives nationales et des instances internationales (FIFA, UEFA). Pour vous faire un dessin, il y a de plus en plus de compétitions qui naissent, pour plus de matchs et donc pour plus de profits. L’UEFA Conférence League ou encore la Nation League, sans oublier la nouvelle version de la Ligue des champions en préparation. On voit donc que c’est le football lui-même qui s’impose un rythme infernal, au point d’être contraint d’adopter des modes de transport moins écologiques.
Pendant qu’on évoque cette problématique manifeste, plusieurs entreprises dont celles sportives évoquent tous les « efforts » qu’elles mettent en place au profit de l’environnement à travers la RSE.
L’hypocrisie de la RSE
La responsabilité sociale de l’entreprise concerne la prise en compte des enjeux environnementaux, sociaux, économiques et éthiques par les entreprises. En France par exemple, le rapport RSE de la LFP met en avant des prouesses des clubs : associations, fondations, financements du foot amateur… On y lit même que « 2/3 des clubs sont prêts à envisager de réaliser tout déplacement dont le trajet serait inférieur à 4h en bus, voire le font déjà ». J’ai envie de dire ici que c’est de la poudre de perlimpinpin. Il y a une grande propagande autour des actions RSE alors que ces entreprises font tous les efforts pour maximiser davantage leurs profits. Et ceci en polluant plus et en se moquant des problèmes environnementaux. Sauf qu’au moment de faire face et de concéder des pertes sur leurs profits, c’est silence radio.
La passivité des législations face aux entreprises, qui se moquent de la crise climatique
Plusieurs équipes sportives de haut niveau ont montré qu’il est possible d’adapter les modes de transport pour les déplacements. Commençons même par l’équipe féminine du PSG, qui est habituée à emprunter le train pour ses déplacements. Pourquoi l’équipe masculine devraient se soustraire aux trains ? Ou les hommes ont forcément besoin d’un avion pour bien récupérer ? Ailleurs en Europe, les exemples émergent avec le Real Betis qui ne se déplace qu’en train grâce à un partenariat avec la société ferroviaire espagnole. On peut citer aussi la Juventus, Liverpool ou encore l’Ajax Amsterdam en exemple. Leur performances sportives n’en sont d’ailleurs pas moins affectées.
Si Kylian Mbappé, Christophe Galtier et bien d’autres s’en moquent, ce n’est pas de leur faute. En réalité, c’est un lapsus de communication qui révèle tout simplement la vraie perception de l’environnement au sein du monde sportif. S’ils s’en moquent, c’est qu’on leur a permis d’en rire. C’est ici encore qu’il faut rappeler que la clé est dans des législations fermes et mettant chacun face à ses responsabilités en matière de protection de l’environnement. L’interdiction de ces courts déplacements en avion pour les équipes sportives ne nous aurait-il pas épargné les rires narquois de ces deux là ? Ou une hypertaxation de ces voyages là a minima ? L’adoption de ces législations qui remettent généralement en cause les intérêts des entreprises est rare. Les législateurs européens devraient également penser à remettre un peu d’ordre dans cette course au profit, qui ne profitent qu’aux joueurs (et là encore) et surtout aux propriétaires des équipes de football.
Vous penserez sans doute après lecture de cet article que je suis anti-libéral au nom de la lutte contre la crise climatique. Pourtant, ce n’est pas le cas. Il faut créer de la richesse et de la valeur. Mais, on ne peut pas continuer de le faire comme ci on était au XIXè siècle. Les enjeux et les défis auxquels nous sommes confrontés ne sont pas les mêmes. L’enjeu climatique doit s’intégrer dans tous les paramètres de notre modèle social, y compris dans nos entreprises. C’est pour cela que rien ne doit être laissé au hasard. Tout compte, encore plus pour les entreprises. Et les entreprises sportives devraient jouer un plus grand rôle, surtout pour véhiculer et mobiliser plus de personnes à la cause environnementale, qui au delà de tout, nous concerne tous. La résolution de la crise climatique ne peut se faire sans les entreprises. Et c’est pour cela qu’il faut prendre des mesures politiques et juridiques fortes pour contrôler et réduire l’impact de ces entreprises sur notre environnement.
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